L'histoire des français sous la royauté

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Les poissons, jusqu’à l’an mil, proviennent majoritairement des cours d’eau, des lacs d’eau douce, des estuaires et des hauts-fonds côtiers. La pêche est fondamentale surtout pour les paysans et les moines. Les poissons largement consommés sont l’esturgeon, l’anguille, la truite, le brochet, la tanche, la lamproie, le barbeau et la carpe. Il est toutefois moins apprécié que la viande, non seulement pour des raisons diététiques, les médecins le considèrent comme un aliment moins nourrissant, mais également en raison de l’image que l’Église lui donne en tant qu’aliment de substitution à la viande pour les jours de pénitence. Les rivières, étangs et viviers ont fait l’objet d’une surexploitation, au point que Charles IV le bel, en 1326, ordonne la destruction des pièges à poissons de toute nature, comme « le bas reboüer, le chiphre, garnis, vallois, amende, le pluserois, le truble, l’allois, l’ouroce, la chasse de marchepied, le cliquet, le roüaille », et la liste ne s’arrête pas là…

A partir de l’époque capétienne, l’évolution de la pêche en mer permet d’accroître la variété des poissons consommés. Un manuscrit du XIIIe siècle en recense plus d’une cinquantaine d’espèces : la baleine, le pourpois (porc de mer, marsouin), l’esturgeon, le saumon, le mulet, le surmulet, le brème (brochet), gournax (lièvre de mer), rouget, grondin, coque, morue, ânon, églefin, maquereau, hareng, seellan (sardine de dérive), merlan, congre, bar, dorée (saint-pierre), vive, chien de mer, loup de mer, paon (écrevisse), huître, hanon (pétoncle), moule, sardine, mullus (sorte de rouget), alose, flétan, barbue, raie, plie, carrelet, flet, sole, seiche, limande…

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L’exploitation des coquillages (huitre, pétoncle, moule, coque…) est intensive, tellement que les buttes de Saint-Michel-en-l’Herm (Vendée) aurait été édifiées à partir du XIe siècle, à la suite de l’écaillage sur place des mollusques. Ces derniers sont ensuite conservés dans la saumure et le vinaigre pour faciliter leur transport.

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Pour conserver et transporter le poisson, on a recours au séchage (à l’air libre, au soleil, quand le climat le permet), sinon on pratique le salage et le fumage. Malgré le prix élevé du sel, il reste un moyen de conservation indispensable. Vers 1376, les habitants de Louvain (Belgique) consomment quarante-huit kilos par an et par personne. Le sel gris, brun ou noir déposé au fond des salines est utilisé pour la fabrication des fromages, pour la salaison du poisson, les sels les plus blancs, voire la fleur de sel sont préférés.

L’anguille a l’avantage de survivre plusieurs jours hors de l’eau et se conserve fraîche. Elle est capturée dans des nasses et dans des grands barrages en osier qui barrent certains estuaires. Elle est mangée fumée, à la poulette, à la tatare (plat surtout à la mode à la fin de l’ancien régime, cuite au gril avec câpres et anchois et servie sans sauce, met apprécié par Marie-Antoinette (née le 2 novembre 1755, morte le 16 octobre 1793, reine de France), frite, grillée, en pâté, mais le plus souvent en matelote. Les anguilles sont également salées pour leur conservation.

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La baleine est, au départ, récupérée lorsqu’elle s’échoue sur le rivage. Les premières traces de sa chasse sont reconnues au pays Basques au XIe siècle et dans un poème japonais antérieur au Xe siècle. Jusqu’au XIe siècle, elle n’est pas chassée en mer. Les grands laïcs et les ecclésiastiques qui apprécient sa chair, se réservent leur droit d’épave afin de s’assurer de l’exclusivité de l’animal. Ce « craspiscis » ou « poisson gras » est un aliment prestigieux, dont la graisse permet de contourner les interdits frappant la plupart des corps gras en temps de Carême. C’est surtout dans le Pays basque, vers le XIIe siècle, que la chasse devient une des activités les plus prisées mais il semblerait qu’il y en ait eu également en Normandie.

Vers le XIIIe siècle, les pêcheurs doivent s’acquitter d’une taxe au roi et au seigneur sur chaque capture.

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La saison de la chasse commence à l’équinoxe de septembre et dure tout l’hiver. A partir du XIIIe siècle, on n’attend plus que les baleines s’échouent sur le rivage, on part les chasser en mer. Un guetteur surveille le rivage et agite une cloche lorsqu’il en aperçoit. Les pêcheurs sur des barques de 4 ou 5 personnes (pinasses ou tilloles) harponnent le cétacé, au bout d’une lance est fixé une corde avec un flotteur qui suit la bête. On attend qu’elle se fatigue. Une fois morte, elle est ramenée au rivage et complètement dépecée sur la plage. Rien ne se perd sur la baleine. La graisse est fondue dans des chaudrons pour donner de l’huile, qui est conservée dans des tonneaux. Avec un animal, 30 à 40 tonneaux sont remplis. Cette huile sert à l’éclairage, à la préparation des cuirs et des draps, à l’apprêt de certaines couleurs et de certains plâtres, à calfater les navires. La chair de l’animal est mangée, le meilleur morceau, la langue est souvent réservée au noble de la région. Le lard est appelé le craspois. Le cuir est utilisé pour faire des cordes, des ceintures et des cordages de navire. Les os sont récupérés pour les clôtures et les charpentes.

Le castor est très apprécié pour sa queue surtout par la noblesse. Cet animal est toléré durant les jours de maigres car il est assimilé à un poisson, puisque c’est un animal amphibien et reste un aliment plus consistant. La religion juive l’a interdit pour le jeûne à cause de son « côté ambigu ». Déjà chassé depuis la préhistoire, cette espèce reste abondante en Europe jusqu’au début du Moyen Age. Les moines de Villeneuve-Lès-Avignon préparent même un saucisson de castor, garanti « maigre » … Mais la déforestation excessive, la canalisation des cours d’eau, la construction de nombreux moulins à eaux, la consommation de sa viande et la confection de sa fourrure font que vers le XVIIIe siècle, on arrive à une quasi-extinction de castors en Europe de l’Ouest. Quelques groupes survivent entre autres grâce à l’action du Cardinal de Richelieu (né le 9 septembre 1585, mort le 4 décembre 1622), qui profitant des colonisations du Canada, accélère la capture du castor canadien, notamment pour sa fourrure.

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L’écrevisse dérive de l’ancien français « escreveice ». L’écrevisse indigène à pattes blanches était jadis recherchée par toute la population et faisait partie des mets raffinés. Est-ce sa surconsommation, est-ce la pollution des eaux, toujours est-il qu’une épidémie « la peste de l’écrevisse » décime une partie de la population entre 1878-1881. Notre écrevisse indigène en voie de disparition, des écrevisses sont introduites pour la remplacer, l’écrevisse signal du Nord-Ouest des États-Unis et l’écrevisse américaine d’eau douce de la côte Est américaine. Elles sont toutes les deux porteuses de la peste mais ne semblent pas en être affectées.

La grenouille ou plus précisément les cuisses de grenouilles. Eh bien, non, malgré ce qui est dit, les cuisses de grenouilles sont déjà appréciées au XIIe siècle et sa consommation n’est pas une invention française. Il est difficile de déterminer avec exactitude quand ce met a été convoité. On trouve des traces en Chine, sous la dynastie des Han occidentaux, aux alentours du 1er siècle avant Jésus-Christ mais également, dans la civilisation Aztèque. Des chercheurs ont trouvé en 2013, des ossements de cuisses de grenouilles avec des arêtes de poissons sur un site de Stonehenge en Angleterre. Ces restes dateraient de 7596 à 6250 avant notre ère, alors c’est un comble pour les Anglais qui nous traitent de « frog-eaters » ou « frogies » … En France, ce met aurait fait son apparition dans la région de moines-chrétiens, mais il est surtout popularisé par Alexandre Dumas dans son Grand dictionnaire de cuisine au XIXe siècle, ce livre apparaît à titre posthume soit trois ans après la mort de son auteur. A partir de cette époque, les cuisses de grenouille deviennent un aliment extrêmement raffiné.

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Au Moyen-Age, la pratique du « caquage » permet la conservation des harengs. Effectivement, les pêcheurs hollandais ont eu les premiers l’idée d’apprêter le poisson à bord. Les séjours en mer devenant de plus en plus lointains et de plus en plus longs, les harengs, après leur capture, sont ouverts en deux, vidés et entassés dans un tonneau, en couches compactes alternées avec des couches de sel. Ainsi, ils peuvent être conservés pendant un an. Stockés dans des tonneaux, leur transport est plus facile.

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Le merlu est pêché de nuit tous les jours entre mars et juin. Il est même autorisé de le pêcher le dimanche par suite d’une bulle du pape Martin V. Les merlus sont séchés jusqu’en septembre puis entassés (environ 600) dans des tonneaux. Au XIVe siècle, même si le merlu est plus coûteux que le hareng, le merlu breton devient un produit courant.

La morue séchée ou « stockfish » (stockfish tient son nom du néerlandais, le stoc qui signifie le bois). Une fois séchée, la morue devient dure comme un bout de bois. Sa consommation se généralise sur les marchés occidentaux aux cours des XIIe et XIIIe siècles.

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Le thon est péché avec une madrague (filet de pêche fixe) afin d’en emprisonner un maximum lors de leurs passages. Les thons ne se déplaçant qu’en bancs, il est donc aisé d’en capturer une grande quantité. Le thon est salé puis conservé dans des récipients. Cadix est la plus ancienne ville d’Europe où l’on trouve des vestiges romains ayant contenu du thon salé. De nombreuses madragues ont été installées tout le long des côtes méditerranéennes, de l’Espagne et du Maroc jusqu’au Proche Orient.

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La forme la plus ancienne de madrague en Andalousie est celle dite à vue (de vista ou de tiro). Les hommes attendent sur la plage l’arrivée du ban de poissons, dès son approche, un guetteur donne l’alerte à l’aide d’une bannière blanche en haut d’une tour, les bateaux sont alors mis à la mer, encerclent les thons avec un premier filet puis pour s’assurer de la capture, un deuxième filet plus solide est envoyé, 400 ou 500 hommes se mettent à l’eau pour rapprocher et tirer vers eux les filets et les ramener sur la plage, pendant ce temps, d’autres hommes abattent les thons avec des crochets.

A partir du XVIe siècle, des manuscrits précis sont tenus sur les madragues. Ainsi, ces cahiers décrivent, jour après jour, tous les incidents liés à la pêche, les opérations relatives à la transformation du thon, les étapes de la commercialisation, le nombre de thons capturés dans chaque filet, le nombre de levées de filets par jour, les jours sans pêche, les prix de vente, la liste nominative des travailleurs, le nombre de journées effectuées, la somme versée à chacun…

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