Les Mérovingiens : (481-768) :
Avant le XIIIe siècle, on ne dispose que du livre de recettes d’Apicius écrit au IVe siècle et copié jusqu’au VIIIe siècle. Peu de gens sachant lire ou écrire, seuls quelques érudits ont accès aux manuscrits, soit majoritairement les religieux et également quelques médecins.
Anthimus a rédigé un livre de recettes liées à la médecine. On peut ainsi lire : « La tétine de truie, elle aussi, est bonne frite ou bouillie (…) La plie ou la sole… conviennent bien bouillies dans l’huile et du sel ». On voit que l’on est plus proche de la diététique que de la gastronomie. Liliane Plouvier (historienne spécialisée dans l’histoire de l’alimentation) dit qu’Anthimus est « l’inventeur » d’une recette proche des œufs à la neige (Afratus) et d’une autre qui annonce les quenelles de brochet (Spumeum de brochet), peut-être des recettes byzantines.
Les Carolingiens : (768-987) :
Le livre représenté à cette époque est « Le Villis vel curtis imperialibus » (Des terres et cours impériales), connu sous le nom de capitulaire de Charlemagne (né entre 742, 747, 748 mort le 28 janvier 814, roi des Francs et empereur), rédigé vers l’an 800. Il décrit une liste de 90 plantes et arbres fruitiers dont la culture est recommandée dans les jardins de l’empire. On retrouve des légumes et des fruits déjà présents à l’époque romaine, le navet, le chou, le poireau, la carotte, le panais, les salades, de nombreuses herbes. Cette liste théorique ne tient pas compte du lieu de culture, ainsi certains aliments sont plus faciles à planter sous un climat méditerranéen comme le concombre ou le fenouil, que dans des régions du nord.
Les Capétiens : (987-1328) :
Il n’existe toujours pas de livres de recettes proprement dit, la transmission se fait principalement à l’oral. Cependant, des manuscrits rédigés sur l’alimentation sont souvent ciblés sur la diététique et les bienfaits des aliments. Ainsi vers 1279, la traduction du « Kitâb al -Hâwî » (le continens), effectué par Farag ben Sâlem, juif originaire d’Agrigente est offerte à Charles d’Anjou, roi de Sicile et de Naples. Il traduit également un traité d’hygiène du médecin bagdadien Ibn Gazla (?-1100), le « Taqwîm al-abdân fî tadbîr al-‘insân », et il est l’auteur d’un traité de diététique, « le chemin de l’exposition des produits employés par l’homme » où il accorde une place importante à la cuisine et aux préparations culinaires. Vers le milieu du XIIIe siècle, Aldebrandin de Sienne compose à la demande de la comtesse Béatrix, un traité intitulé « Le Régime du corps ». Dans ces traités diététiques, on retrouve une analyse des vertus ou des effets négatifs de chaque fruits, légumes, viandes, poissons, céréales, huiles, fromage, eaux et vins consommés.
Les herbiers se sont multipliés en Occident. Le « Tacuinum sanitatis » a été composé au milieu du XIe siècle par Ibn Botnàn dit Albucasis, médecin arabe de Bagdad. C’est un traité d’hygiène concernant la meilleure manière de préserver la santé. 290 articles de l’ouvrage sont consacrés aux végétaux et aux animaux. Une traduction latine de l’ouvrage arabe est réalisée au XIIIe siècle sur la demande du roi Manfied de Sicile.
Hildegarde de Bingen, qui possède un don de voyance, a écrit de nombreux ouvrages dont certains en lien avec la nourriture/médecine, comme « Les causes et les remèdes ».
Un autre facteur psychologique joue dans cette philosophie de nourriture/médecine. L’église place « la gula », la gourmandise parmi les 7 péchés capitaux et réprouve l’appétit glouton de certains Grands. Par conséquent, si des livres de recettes étaient écrits sur la satisfaction du désir alimentaire, les auteurs se seraient attiré les foudres ecclésiastiques.
Un livre rédigé par Étienne Boileau nous permet d’avoir des informations sur les règles des corporations d’arts et métiers existant à Paris vers la fin du XIIIe siècle, « Le livre des métiers ».
Un autre ouvrage nous informe sur les habitudes alimentaires au XIIe siècle, le compilateur du « Guide du pèlerin » d’Aimery Picaud. Il informe durant la route qui mène à Saint-Jacques-de-Compostelle les lieux où l’on peut s’alimenter, les spécialités en fonction des régions traversées. On sait par exemple, que dans le Bordelais, le vin est excellent et le poisson abondant, alors que dans les Landes, il y manque de tout, ni pain, ni vin, ni viande, ni poisson…
Les Valois directs : (1328-1498) :
Les premiers livres de recette font leur apparition. Au départ, lors de la rédaction de ces manuscrits, l’auteur ne signe pas, celui qui écrit ou dicte ne recherche pas la célébrité. Ce privilège ou plutôt cette recherche de reconnaissance est le fait des cuisiniers des grandes cours laïques ou ecclésiastiques. Ce sont plutôt des aide-mémoires, la plupart du temps très incomplets car les détails sont surtout transmis oralement. Ainsi, les temps de cuissons, les quantités des ingrédients ne sont que très rarement mentionnés. Des adjectifs et adverbes viennent compléter la liste des ingrédients utilisés, tels que « grant foyson » (beaucoup), « assez » ou encore « un pou » (un peu) et pour les temps de cuisson, « ne boullent mie (pas) trop fort ». Ces informations culinaires ne sont pas transmises pour le grand public (qui pour la majorité ne sait ni lire, ni écrire et n’a surement pas les moyens de s’acheter la plupart des denrées utilisées) mais pour les cuisiniers entre eux.
Ce que l’on distingue est la division de deux périodes où l’alimentation diffère, une qui correspond au temps de « charnage », c’est-à-dire les jours de gras où la chair est autorisée et l’autre les jours de maigre où le poisson est à l’honneur.
Le livre le plus connu de cette période est le « Viandier » de Taillevent, Guillaume Tirel. Cuisinier des rois Philippe VI (né en 1293, mort le 22 août 1350 , roi de France), de Charles V (né le 21 janvier 1338, mort le 16 septembre 1380, roi de France) puis de Charles VI (né le 3 décembre 1368, mort le 21 octobre 1422, roi de France), il rédige son livre lors de sa soixantième année, inscrivant tout son savoir faire et ses connaissances accumulées au fil des années. Cet ouvrage est un document complet non seulement sur la nourriture de l’époque mais également sur les habitudes de la cour de France.
Un autre ouvrage, dont l’auteur est un riche bourgeois anonyme, est écrit dans les toutes dernières années du XIVe siècle. Ce dernier rédige « Le Mesnagier de Paris » pour son épouse afin qu’elle apprenne la manière de « prendre soin du mari et de la maison ».
« Du fait de cuisine » est un livre de cuisine du Moyen Âge, rédigé vers 1420, par Amiczo Chiquart , cuisinier au service du duc Amédée VIII de Savoie. C’est le seul ouvrage décrivant l’organisation d’un banquet, y sont également notés les différentes méthodes de cuissons, tous les modes de préparation ainsi que tous les gestes d’une cuisine inventive.
Bartolomeo Sacchi (1421-1481), dit Basttista Platina a écrit « De honesta voluptate et valetudine » (du plaisir honorable et de la santé) en 1467. Dans cet œuvre, nous est décrit des conseils pour l’assaisonnement des légumes, tel que la salade, la carotte… Certes, à cette époque, les primeurs ne sont pas trop en vogues mais ce n’est pas une raison pour les oublier totalement…
Cuisinier émérite, Martino de Rossi, dit Maestro Martino a écrit un traité sur la gastronomie, le « Libro de arte coquinaria ». Cette ouvrage marque le passage de la cuisine médiévale à celle de la Renaissance.
Les Valois d’Orléans : (1498-1515) :
Je n’ai pas trouvé d’ouvrages écrits spécifiquement durant cette période.
Les Valois d’Angoulême : (1515-1589) :
Depuis l’Antiquité et jusqu’à la fin du XVIIe siècle, la médecine est présente dans l’alimentation. Un médecin anglais Andrew Boorde (1490-1549) a écrit en 1547 « Un bon cuisinier est à moitié médecin ». Les ouvrages de médecine dans lesquels figurent des recettes pour les malades mais aussi pour les biens portants, influencent fortement les auteurs des premiers traités culinaires. Les cuisiniers ont en permanence à l’esprit les bienfaits de la santé avec les mets qu’ils préparent. Que ce soit l’utilisation des épices pour améliorer la digestion ou les temps de cuisson pour la viande (dite humide) et donc rôtie, la présence de la diététique est omniprésente. Attention, quand on parle de diététique, ce n’est pas le régime alimentaire pour perdre du poids, mais pour se maintenir en bonne santé.
D’ailleurs le mot recette, dans de nombreuses langues européennes, a la même étymologie venant du latin « recepta » qui signifie « la chose reçue », « recipe » en anglais, « rezept » en allemand, « receta » en espagnol, « ricetta » en italien… mot qui désigne à la fois l’ordonnance délivrée par le médecin et la recette du cuisinier.
Un premier ouvrage sur les fruits confits et les confitures est publié en 1541 à Venise. Fait exceptionnel pour l’époque, il est traduit et publié à Lyon la même année sous le nom « Bastiment de recettes ».
Le premier « confiturier » est publié à Lyon en 1555, « Excellent et moult utile opuscule à tous nécessaire qui désirent avoir connaissance de plusieurs exquises recettes ». Cette fois l’auteur est très connu puisqu’il s’agit ni plus ni moins de Michel de Nostredame, dit Nostradamus. Le sucre est encore une denrée onéreuse à cette époque, seuls les cuisiniers de grands seigneurs peuvent se permettre de l’utiliser et encore à petite dose, deux livres de sucre pour six ou sept livres de fruits. Nos palais trouveraient ces confitures un peu fades.
En 1586, Luis Mèndez de Torres écrit dans un premier livre « livre sur l’apiculture » que le roi des abeilles est en fait une reine. En 1597, Theodorum Clutium de Leiden confirme cette information en déclarant que le roi est une « bienconinc », une reine.
L’ouvrage « Agriculture et maison rustique » de Charles Estienne et Jean Liébault nous livre de riches informations sur l’utilisation du noyer, même s’ils n’hésitent pas à rappeler toutes les nuisances de cet arbre, comme le fait qu’il ne faut pas s’endormir dessous.
En 1583, un ouvrage intitulé « Sommaire traité des melons », écrit par Jacques Pons, énumère les différentes façons de le consommer, en hors-d’œuvre, glacé, avec sucre, sel ou poivre, cuit, en potages, en beignets ou en compotes.
Les Bourbons : (1589-1791) :
Le faste de la culture alimentaire s’impose en Europe, et cette référence culinaire fait du livre de cuisine français un modèle qui s’impose de 1651 à 1691.
Dès le XVIIIe siècle, la diversification des livres de cuisine touche aussi bien le fond que la forme.
Olivier de Serres est un agronome français de religion protestante. Il est l’auteur d’un traité « Le Théâtre d’Agriculture et mesnage des champs » paru en 1600. Entre 1600 et 1675, il est réédité 19 fois. Il étudie de manière scientifique les techniques agricoles et en recherche l’amélioration par l’expérimentation. Il est considéré comme le père de l’agronomie française.
Un ouvrage sur la bienséance est publié par un certain Vincenzo Nolfi en 1631, « Ginipedia ovvero avvertimenti civili per donna nobile ». Ce livre s’inscrit dans la longue tradition des manuels du savoir-vivre. Il recommande entre-autre « aux dames de la noblesse de conserver la tête haute au cours du repas, de ne plus souffler les viandes chaudes, de boire les bouillons à la cuiller et d’attraper avec la grande fourchette de service les morceaux de viande rôtie présentés dans les plats ; mais, après les avoir déposés dans son assiette, on les mange avec les doigts ». La nappe tient lieu de serviette. On place, côtés invités, la partie longue qu’ils relèvent sur leurs genoux en s’asseyant. On change la nappe à l’entremets.
Un autre ouvrage de Pierre David, le « Maiste d’hostel » apprend l’ordre de bien servit à table.
En 1651, Pierre-François La Varenne. Il publie un livre de cuisine : « Le Cuisinier français ». C’est un bestseller qui sera même réimprimé jusqu’en 1815. Depuis plus d’un siècle, aucun livre de cuisine n’a été publié et le contenu de son livre est centré sur la technique. Il donne des noms au cuisson « à la mode, au bleu ou au naturel ». Les liaisons sont à base de champignons, de truffes et d’amandes. Il écrit comme autres livres, « Le Cuisinier méthodique » en 1662 et « Le Parfait confiturier » en 1667 et « Le Pastissier François » seul ouvrage de pâtisserie publié en France entre le milieu du XVIIe siècle et la fin du XVIIIe siècle.
Un autre grand auteur de ce siècle, François Massialot, il publie « Le Cuisinier roïal et bourgeois » (Le Cuisinier royal et bourgeois) en 1691. Il n’est pas rattaché comme ses confrères à un seigneur mais à plusieurs. Il sert Monsieur, frère de Louis XIV, le duc de Chartres, le marquis de Louvois, le duc d’Orléans. Dans son ouvrage, Massialot s’attache à la technique, il veut démontrer que même des plats simples peuvent être présentés de manière élégante et raffinée. Fier de la cuisine française, il écrit dans sa préface : « On peut se vanter en France de l’emporter en cuisine sur les autres nations (…) ; mon livre peut être un assez bon témoignage de ce que j’avance ». Pour la première fois, l’ouvrage est présenté sous forme de dictionnaire. Des dessins de plans de table garnie de nappe, d’assiettes et de plats de service permettent de visualiser les habitudes de l’époque. Pour agrémenter ses recettes, Massialot dessine également des plats, comme « Pigeon en Tortuës » ou encore « Potage de Citrouille ».
Vincent La Chapelle est l’auteur de « Modern Cook », « Cuisinier moderne », écrit en 1733, publié en trois volumes. Puis en 1735, il apparaît à Amsterdam en quatre volume. Il est cuisinier de l’ambassadeur britannique à La Haye, Philip Stanhope, comte de Chesterfield. Il décrit une cuisine « plus simple, plus propre, plus savante ». Le livre a une forte influence sur la cuisine de l’aristocratie en Angleterre. La Chapelle adopte certaines recettes de son prédécesseur François Massialot. On quitte le siècle des gourmands pour entrer dans le siècle des gourmets.
L’ouvrage « Le Cuisinier Instruit » ou « Traité historique et pratique de la cuisine » publié en 1758 présente également des croquis de recettes du « Lièvre au gîte » ou des « Lapereaux en vis-à-vis ». L’auteur est Joseph Menon. Il a écrit de nombreux ouvrages, comme « La Cuisinière bourgeoise », qui aura un immense succès, « Les soupers de la cour », « La Science du Maître d’hôtel cuisinier », « La science du maître d’hôtel confiseur » et en 1739, « Le Nouveau Traité de Cuisine » écrit en deux volumes et augmenté d’un troisième en 1742.
Le « Thresor de Santé » ou « Mesnage de la vie humaine » est une œuvre publiée en 1608, dont l’auteur est un des plus célèbres et fameux médecins du siècle, son nom reste cependant inconnu. Son contenu nous renseigne sur la préparation des différents aliments utilisés, et nous livre de nombreuses recettes. En outre, il nous informe sur les habitudes alimentaires propres aux populations des différentes provinces de France.
Au XVIIIe siècle, le cuisinier Marie-Antoine Carême est passionné par les pièces monumentales. Il découvre le pastillage coloré. Il écrit un ouvrage « Le pâtissier pittoresque » dans lequel il dessine de nombreuses pièces et donne la recette du pastillage, à partir de gomme adragante qu’on laisse d’abord reposer puis qu’on mélange à du sucre, avant de le broyer au mortier et d’y incorporer de l’amidon puis de l’eau.
En 1738 est publié le premier recueil de recettes en vers « Le Festin joyeux ou la cuisine mise en musique » écrit par le père et le fils Lesclapart.
Dans le domaine des glaces et des sorbets, « L’art de bien faire les glaces d’office » apparaît en 1768, écrit par M. Emy, officier.
A la veille de la Révolution, on constate une grande stabilité dans le monde des livres de cuisine et d’office, peut-être avait-il autre chose à penser !