L'histoire des français sous la royauté

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En fonction de la période dynastique et de son statut, l’alimentation change. Au sein de chaque catégorie, on retrouve les enfants, les femmes, les personnes âgées, les malades et les voyageurs puis les trois grandes classes qui définiront la société à partir du Xe siècle, les oratores (les religieux), les laboratores (les travailleurs), et les bellatores (la noblesse).

Des Mérovingiens aux Carolingiens : 481 - 987

Durant l’époque mérovingienne et carolingienne, le peuple a une nourriture variée ce qui ne veut pas dire qu’il mange toujours à sa faim, loin de là. Mais, il a le droit de chasser le gibier, d’aller cueillir les plantes et les fruits dans la nature, ce qui lui permet au moins de survivre. Pour l’alimentation de chaque catégorie, je n’ai pas trouvé suffisamment d’informations pour me permettre de vous en parler. En revanche, à partir de l’époque capétienne, les sources deviennent un peu plus riches.

Cependant, on sait que c’est à partir de l’époque mérovingienne que la religion entre dans l’alimentation des gens. C’est entre le IIIe et le Ve siècle que le calendrier alimentaire chrétien apparaît et perdure de façon plus modérée jusqu’à aujourd’hui. Il se caractérise par l’alternance des temps de charnage, c’est-à-dire les jours « gras » et les jours de jeûne. Il faut compter en moyenne une centaine de jours de « maigre » dans l’année. Il concerne principalement le Carême (quarante jours plus les dimanches précédents la fête de Pâques), la veille des fêtes principales, les quatre-temps (placés au début de chaque saison), le rythme hebdomadaire qui concerne le vendredi (jour de la passion du Christ) et de manière plus facultative, le mercredi et le samedi. A contrario, le dimanche et les jours de fêtes sont des moments de bombance.

Cette nouvelle organisation de l’alimentation reclasse les différentes variétés des produits consommés. Pour les jours de jeûne, tout ce qui est d’origine animal et terrestre est à bannir, on retrouve la viande et tous ses dérivés, comme la graisse, les bouillons, les œufs, les produits laitiers… Comme toujours des exceptions sont justifiées comme la maladie, la vieillesse, la femme enceinte…

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Réfectoire monacal

Ces nouvelles règles ne s’appliquent pas qu’aux civils mais la vie monastique commence également à se réglementer. L’ascétisme est l’un de ses premiers aspects. Les religieux rejettent les aliments gras et en particulier la chair animale. Leur nourriture se compose surtout de produits végétaux. Pour le vin, c’est plus compliqué. En effet, l’alcoolisme ne peut être toléré, mais dans une société dont il fait partie intégrante, il est difficile de s’en passer, et puis n’est-ce-pas le sang du Christ, il est donc regardé avec méfiance mais pas interdit. A cela s’ajoute une régularité dans la prise des repas. Soumis à une règle, ils ne mangent pas quand ils le souhaitent mais à des horaires déterminés, qui changent au cours de l’année. Selon les conceptions médicales du temps, le repas est pris pour ragaillardir les travailleurs. Il n’existe pas à proprement parler de petit-déjeuner, mais le repas principal est la « cena », pris en fin de journée, à midi, une légère collation « la refectio » permet de patienter jusqu’au soir. La « refectio » disparaît les jours de Carême pour ne laisser place qu’à la « cena ». Histoire de compliquer l’ordre établi, tout change les jours de fête et les dimanches. Interdit de faire pénitence, le repas principal le « prandium » devient le repas principal du midi et il peut être complété par le « caritas », collation arrosée. Mais dans les monastères, on peut également pratiquer des banquets ouverts où se retrouvent les familles des moines et des moniales, les clercs du diocèse ou encore les grands laïcs de la région.

Des Capétiens aux Bourbons : 987 – 1791

Les enfants et la nourriture :

Le lait de la mère est le meilleur moyen de nourrir son enfant.  L’allaitement artificiel reste marginal.  Cependant lorsqu’un nouveau-né arrive, si le précédent n’est pas encore sevré, si la maman manque de lait, dans certains milieux de la noblesse, on a recours au lait animal. Bien entendu, tout dépend de ses moyens. On utilise des cuillères, des verres, des petits pots ou encore des cornes d’animaux (cornet). Dans les familles aisées, on a recours à des nourrices qui allaite le nouveau-né.  Elles sont soumises à une restriction alimentaire afin que leur lait soit de bonne qualité. Ainsi, elles doivent manger de la laitue (favorable car son nom approche de la lactation), du chevreau, du poulet… En revanche, l’ail et l’oignon sont interdits car ils donnent mauvais goût au lait. Le nourrisson reçoit jusqu’à 7 tétées par jour.  On peut donner du miel au bébé en lui frottant le palais afin de lui « donner appétit par la douceur ».  Le sevrage commence vers 2 ou 3 ans. Pour compléter ainsi l’alimentation du lait, le jeune se voit nourri d’une bouillie nommée « le papin », (selon les cas, mélange de lait, de farine, de miel ou même de vin pour les natures les plus faibles).  Ensuite, arrive le pain prémâché et les viandes cuites coupées menues menues. Le lait de vache est déconseillé, on lui préfère le lait de chèvre ou d’ânesse (le plus recherché). Connaissant les problèmes d’acheminement entre autres et en fonction de la bourse, de la région que l’on habite, on fait comme on peut…

L'alimentation et le statut social des mérovingiens aux carolingiens
Un biberon

Les femmes et la nourriture :

Un homme ivre, ce n’est pas choquant, une femme ivre c’est la débauche. Donc une femme doit s’alimenter sans excès (et surtout moins que l’homme), être scrupuleuse sur les aliments qu’elle mange.  Seule la femme enceinte peut faire des abus, mais, il ne faut pas exagérer, on lui déconseille certains mets (ex. : trop de sel : l’enfant peut naître sans ongle ; aujourd’hui, on dit, ce sera un garçon…).  Là encore les idées reçues vont bon train, si la femme veut des enfants petits, elle doit déjeuner au matin d’une tranche grillée de pain blanc trempé dans du vin

Les étudiants et la nourriture :

L'alimentation et le statut social des mérovingiens aux capétiens
Des étudiants

Les étudiants ne peuvent pas tous bénéficier du gîte et du couvert dans le cadre de l’établissement scolaire. Comme ils n’exercent qu’une activité intellectuelle et sont donc considérés comme oisifs, ils doivent se débrouiller par eux-mêmes. Les étudiants dont les parents sont suffisamment aisés pour les substanter, le problème ne se pose pas. En revanche, ceux qui sont livrés à eux-mêmes doivent trouver où vivre. Il n’est donc pas rare que ces jeunes se trouvent un employeur qui accepte de les loger et de les nourrir contre une participation aux tâches quotidiennes. Les collégiens qui ont réussi à intégrer l’internat doivent en suivre les règles strictes. En général, ils sont privés du « potus », casse-croûte du matin comprenant du vin accompagné par exemple de tripes ou de harengs. Ensuite, le menu se compose de deux repas dans la journée, le plus souvent un potage de légumes agrémenté selon le bon vouloir du directeur et de sa générosité…

Les malades et la nourriture :

Les médecins sont toujours intervenus dans l’alimentation, peu de maladies échappent à cette normalisation alimentaire. Ainsi, les aliments sont classifiés, en chaud ou en froid, en bas (au plus près de la terre) ou en haut (au plus près des cieux). Les différents produits prescrits sur les « ordonnances » données aux malades soignent plus en fonction de leur nom ou de l’image qu’à une analyse réelle.

Prenons l’exemple de la peste, cette maladie qui fait si peur et qui réapparaît en Europe occidentale à partir de 1347. Le médecin Jean Le Lièvre (mort en 1418, maître régent à la Faculté de médecine de Paris et auteur d’un traité sur les saignées) conseille le traitement suivant : « S’abstenir en premier lieu, des épices les plus « chaudes », c’est-à-dire le gingembre, le poivre ou la graine de paradis ; ensuite, s’abstenir aussi de vins forts, et en général, de tout ce qui « meut le sang et le rend subtil » (y compris les efforts physiques et la colère). L’épidémie étant rapportée à une corruption de l’air, il convient d’éviter les aliments qui corrompent facilement, tel le lait, la graisse de mouton ainsi que les fruits des régions infectées comme les fraises des bois, les prunes, les figues, etc… Le vinaigre, dont la nature froide est susceptible de combattre l’excès et chaleurs qui favorise la maladie, s’utilise à toutes les sauces, en bain de bouche, en instillation nasale, en imprégnant une éponge que l’on place fréquemment devant les narines mais également dans l’assaisonnement des plats ».

L'alimentation et le statut social sous les mérovingiens et les carolingiens
La peste
L'alimentation et le statut social sous les mérovingiens et les carolingiens
La lèpre

Un autre exemple avec la lèpre, autre maladie crainte à cette époque : On conseille d’éviter les plats dits « mélancoliques » (lentilles, viande de bœuf et vieille oie) car ils sont secs et froids. Est proscrit également le gibier à cause de son extrême pilosité qui favorisent le développement de la matière putride à l’intérieur du corps. Le lièvre est interdit car il symbolise la lubricité (or, la lèpre est associée à une sexualité pervertie), son nez fendu évoque un aspect de la pathologie de la maladie et son nom s’en rapproche (lepus ore et leprosum) …

Quel que soit la catégorie sociale, des règles ont été imposées et appliquées.  Le repas commence toujours par un « Bénédicte » et s’achève par les « grâces ».

La nourriture, la boisson et la manière de manger sont l’image du rang que l’on occupe dans la société.

 

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Les oratores
l'alimentation et le statut social des mérovingiens aux carolingiens
Les laboratores

 Ainsi, à partir de cette époque trois groupes se distinguent :

          – Les oratores, ceux qui prient,

          – Les laboratores, ceux qui travaillent,

          – Les bellatores, ceux qui combattent.

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Les bellatores

Les oratores, ceux qui prient :

Un petit changement s’opère par rapport aux époques précédentes. Même s’ils se doivent de manger plus frugalement que les autres, deux familles se distinguent :

          – Les religieux séculiers qui vivent dans le siècle en contact avec les autres groupes

          – Les religieux réguliers qui vivent selon la règle, moines et moniales.

 Les religieux séculiers :

L’alimentation des ecclésiastiques doit se rapprocher de celle des laboratores, frugale et peu sophistiquée.  Mais pour le séculier, descendant souvent de l’aristocratie, il conserve en partie ses habitudes de noble, et se retrouve à des postes dignes de son statut (évêque, cardinal). Donc sa nutrition et ses modes alimentaires se rapprochent de celles des bellatores.  Situation surprenante si on tient compte de leur engagement, ce qui aboutira à la naissance d’autres ordres religieux en désaccord avec certains relâchements religieux, comme les cathares, les protestants (calviniste, huguenots…).

 Les religieux réguliers :

 Leur régime est beaucoup plus draconien.  Avant le XIe siècle, il est très strict :

          – De Pâques à fin septembre, période de jours longs, ils prennent deux repas par jours :

  • le 1er vers midi, composition : potage de fèves, ragoût de légumes, parfois des fruits, des œufs ou des fromages accompagnés de pain et de vin.
  • Le 2ème pris le soir après les vêpres, composition : souper très léger.

          – A partir d’octobre et jusqu’à l’entrée du carême, ils se contentent d’un repas par jour.

          – Les jours de jeûne et quelle que soit la période de l’année, un seul repas vers 3h00 (none : terme anglais « afternoon » après none).  Pendant le carême le repas est décalé à l’heure du coucher du soleil.

Après le XIe siècle, la rigueur s’est relâchée. Le repas du carême pris le soir a été avancé vers le milieu de la journée ce qui autorise une collation en soirée.

Lorsque la cloche retentit pour appeler les moines, ils se rendent au réfectoire et attendent le prieur ou le chef de la communauté qui bénit les aliments, et ensuite ils peuvent se restaurer.

Durant les repas, le silence est imposé, seule la prière lue par un des membres est tolérée.

Aucun serviteur laïc n’est admis. C’est soit les religieux, soit les enfants oblats qui assurent le service. La porte du réfectoire est toujours fermée afin qu’aucun intrus ne puisse y pénétrer.

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Bernard de Clairvaux, Statut social, bellatores, oratores, laboratores, des mérovingiens aux bourbons
Bernard de Clairvaux

Certains religieux s’offusquent des méthodes alimentaires d’un certain nombre de leur confrère ; comme par exemple, Bernard de Clairvaux réprimandant les moines de l’Abbaye de Cluny pour leur excès. La viande peut être tolérée entre autres quand un moine est malade, que le travail est rude ou les jours spéciaux (événement exceptionnel comme les fêtes).

Mais l’abstinence est obligatoire pour ceux qui ont fait vœu de pauvreté, d’obéissance et de chasteté.  Les religieux dont l’engagement est le plus poussé, tels les ermites, vont encore plus loin et ne se nourrissent que de plantes sauvages mangées principalement crues.

Un nouveau statut pour les monastiques : Avec l’accroissement de leur patrimoine (dons « post obitum » (après décès), les aumônes et la dîme, l’activité des monastiques évoluent. Leurs tâches deviennent administratives, plaider contre les héritiers réfractaires au don de leurs parents, gestion de leur patrimoine dans des propriétés parfois éloignés de leur monastère… Ces changements contribuent à modifier les règles de la vie monastique qui devient petit à petit séculaire.

Dès la Renaissance, les abbayes cherchent à se forger une réputation par spécialité. Ainsi les nonnes de Saint-Sulpice sont connues pour leurs écrevisses cardinalisées (une sauce composée de débris de carapace d’écrevisses fondues au beurre et mouillées de vin blanc), les sœurs de Château Thierry sont reconnues pour leurs pains de fleur d’oranger, celles de Niort sont réputées pour leur confiture d’angéliques, les Ursulines de Belley confectionnent des noix confites, ou encore les religieuses de la Charité inventent le bain-marie. Quand aux moines, combien sont-ils reconnus pour leur vin et leur alcool !

Les laboratores, ceux qui travaillent :

Le modèle alimentaire de cette catégorie est difficile à dire car les sources sont limitées et en plus on retrouve dans ce groupe aussi bien la population de la campagne que celle des villes ; dont la vie est somme toute très différente.

Cependant, on retrouve trois éléments fondamentaux : le pain, le vin et le companage (ce qui signifie : ce qui accompagne le pain). L’usage veut que l’on trempe dans le breuvage souvent alcoolisé, de larges « soupe » c’est-à-dire des tranches de pain.

Le régime quotidien est frugal, pain noir comme ingrédient principal, quelques légumes en soupe, légumes secs, peu de viande (les bêtes sont soit vendues aux riches, soit gardées le plus longtemps possible pour profiter de leurs ressources, le poisson quant à lui reste la ration principale du pauvre (baleine, hareng…), et beaucoup de vin coupé avec de l’eau.

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 Quand mangent-ils ?

          – Déjeuner : pain, vin companage

          – Souper : purée, potage avec les moyens du bord

          – Si de lourds travaux : 3ème repas en milieu de journée mais moins copieux.

 Quelques pauses nutritives durant la journée leur permettent d’entretenir leurs capacités productives.

Comment mangent-ils ?

En général, ils posent leurs aliments solides sur des tranchoirs (tranche de pain à la mie compacte). Le tranchoir est déposé sur un tailloir (planchette de bois ou plaque de métal en forme circulaire ou rectangulaire) ; mais aussi dans des écuelles, pour la soupe, ils déposent la tranche de pain sur laquelle ils versent le bouillon de légumes (expressions nées de cette habitude : trempée la soupe « ce qui veut dire se mettre à manger » ; être trempé comme une soupe).

Ou mangent-ils ?

La question ne se pose pas. La journée, sur le lieu de travail, de toute façon les repas sont plutôt des grignotages.  Quant au souper, il est pris dans l’unique pièce de la maison, là où l’on vit au quotidien.

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 Que mangent-ils ?

Les céréales : La base de leur nourriture reste les céréales, seigle, épeautre, sarrasin, orge. De nouvelles cultures se sont répandues comme les fèves ou les pois. L’avoine est de celle que l’on mange en bouillies, essentiellement dans les régions atlantiques de l’Europe. Le seigle se retrouve dans les terroirs les plus rudes et le millet reste une spécialité du sud-ouest.  Les céréales ne sont pas consommées que pour le pain, elles sont également préparées en galettes ou en bouillies. Le pain reste cependant l’aliment de base pour sa richesse mais aussi pour son importance symbolique, il représente l’un des deux emblèmes de l’eucharistie « le corps du Christ ». Des expressions sur le pain sont encore utilisées aujourd’hui : « long comme un jour sans pain », « gagner son pain ». Les œufs, le lait et le fromage fournissent le gros des protéines.

La viande : Comme nous l’avons vu précédemment, elle est réservée à la noblesse.  La viande n’est cependant pas toujours bannie de la table des paysans. En fonction de la période, ils peuvent manger du cochon (hiver), de la brebis, de la chèvre, du bovin (en fin de carrière, lorsqu’ils ne produisent plus de lait et qu’ils ne peuvent plus travailler au champ).  Les morceaux qu’ils s’accordent en premier sont les tripes (tripettes, petites tripes) et les boyaux, et les autres dépendent de leur finance.

Volaille : Elle est très peu consommée car elle sert surtout à la table des seigneurs, sauf bien sûr les jours de fête ou en cas de maladie.

Plantes : Là encore ce ne sont pas les mêmes que les riches. Ce sont principalement les plantes qui poussent naturellement : fenouil, mélisse, ortie, sarriette, romarin…. Les herbes ne servent pas qu’à manger ; zone de pâturage, on la coupe pour bourrer les litières, allumer le feu, épaissir le fumier et récolter les plantes médicales.

Légumes : Préparés en bouillons, ils peuvent également être mangés crus. Pour les laboratores, on retrouve surtout les légumes à bulbe (oignons), mais aussi les navets, les poireaux, le chou….

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Où trouvent-ils leurs légumes ?

Les potagers familiaux entretenus par les femmes, les vieillards et les enfants produisent ce dont ils ont besoin. Ces jardins attenants à la maison se trouvent aussi bien à la campagne que dans les villes (parfois ils sont éloignés des maisons lorsqu’il manque de place ; à Paris, cette zone s’appelait le « marais » d’où l’origine du mot « maraîcher »). Ils se sont énormément accrus à la fin du XIIe siècle.  Ces espaces de culture bien irrigués bénéficient d’engrais naturels constitués des déjections humaines et animales.  Les récoltes sont des légumes et des légumes secs.  A cela s’ajoute la cueillette sauvage dans les zones acceptées.

Ces jardins sont encouragés voire exigés par le seigneur.  Ils ne subissent pas de taxe en règle générale !!!

Qui préparent les repas ?

Ce sont les femmes qui s’occupent de la cuisine du foyer. En règle générale, la question du « Que vais-je faire à manger ? » ne se pose pas. Tous les aliments sont mélangés pour faire une « potée » qui mijote dans le chaudron, assaisonnée d’herbes ou d’épices, en fonction de ses moyens.

Dans les masures paysannes, les repas sont préparés sur un foyer ouvert disposé à même le sol de terre battue. Ce foyer est également la source de chaleur et de lumière. La fumée s’échappe soit par la porte, soit par les fissures ou encore par une simple ouverture dans le toit (au risque de subir tous les intempéries).

Quelle est la ménagère ?

L’équipement de base de la cuisine comporte le chaudron pendu à la crémaillère, des pots, des poêlons, des marmites de terre, des poêles de fer. On ne trouve pas de four.  Privilège des seigneurs qui en contrepartie d’une redevance (banalité) imposent à ses sujets de cuire dans le four collectif (le four banal).

Avant le XIIIe siècle, il y a des pots de tailles différentes que l’on place sur un trépied « l’oule ».  Par la suite, il y a eu des pots tripodes « le coquemar », petit pot globulaire muni d’une anse ; la marmite a deux anses qui permet d’être pendu à la crémaillère.

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Les banquets des paysans :

Ils mangent sur des planches posées sur des tréteaux mais sans nappe. Ils boivent du vin, mangent des poissons, de la viande (c’est l’occasion de tuer une bête), des galettes, des fruits

Les fêtes étaient un événement familial et religieux.

Les laboratores des villes :

C’est beaucoup plus compliqué de se nourrir pour les laboratores des villes.  Pour ceux qui ne sont pas logés et nourris par leur seigneur, ils doivent se débrouiller.  Ils n’ont pas forcément de foyer pour cuisiner et vivent souvent dans des logements trop petits. Alors, ils achètent fréquemment aux vendeurs ambulants des pâtés, des flans, des oubloyers (hosties non consacrées nommées oubliés), et dans les échoppes des charcutiersrôtisseurs qui proposent des plats à manger tout de suite ou à emporter. Aujourd’hui, ce sont nos traiteurs.

Les nobles méprisent aussi bien la nourriture que la méthode de manger des paysans. Ils les traitent de mangeurs « d’ail grossier », de « vieux lard », de « platées de vesces ou de choux plusieurs fois réchauffés ».  Ils dénigrent aussi leur manière de table grossière car souvent les paysans peuvent manger jusqu’à 2 ou 3 fois dans la matinée, pratique somme toute nécessaire vu la longueur de leur journée.

Les bellatores, ceux qui combattent :

Un fait indéniable, ils mangent plus que les paysans ou que certains religieux et avec une nourriture plus riche, c’est le code social, la marque de richesse.  Donc plus on est élevé dans la société, plus on se doit de manger pour se distinguer du reste de la population.

Les repas ordinaires :

En général, il y a deux repas par jour.  Notre actuel déjeuner « disjejunare » est appelé « dîner » (c’est le premier repas de la journée, on rompe le jeune de la nuit). Il se prend entre 10 et 11 heures le matin, le souper se situe entre 16 et 19 heures. Ce rythme se modifie au fil du temps, et sous les Bourbons, le dernier repas est plutôt vers 23 heures.

Il ne faut pas dire que nos ancêtres nobles ne se nourrissent que de gibier.  Les nombreuses guerres, l’accroissement de la population surtout entre le Xe et le XIIe siècle, font que le régime quotidien est plutôt équilibré, le pain restant l’aliment principal. Le gibier est surtout réservé à une élite et durant les grandes occasions.

Le privilège des Grands est finalement de pouvoir se restaurer quand et où ils veulent.

Ou mangent-ils ?

Il n’y a pas de salle à manger ou de pièce prévue jusqu’au XVIIIe siècle. Fréquemment, les rois mangent dans leur appartement. Quant aux nobles, lorsqu’ils sont dans leur résidence, prennent leur repas dans une pièce du château qui est souvent la salle d’apparat et la table est montée au dernier moment. Il faut attendre la Renaissance pour voir apparaître un nouvel art de la table et les Bourbons pour les premières salles dédiées aux repas. Durant une période, la reine mangera en général seule dans ses appartements (sauf lors des réceptions) alors que le roi mangera en public. Ils peuvent manger ensemble mais c’est plutôt rare. C’est à partir d’Anne de Bretagne (née le 25 janvier 1477, morte le 9 janvier 1514, reine de France) que le concept de cour va être initié et où les femmes vont faire leur apparition.

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Pour les banquets, en fonction du nombre de convives et de la saison, ils peuvent s’établir à l’extérieur ou à l’intérieur, et ils dressent les tables en conséquence. Dans ce cas, la salle d’apparat est utilisée, voire d’autres pièces si cette dernière ne suffit pas.

La domesticité quant à elle se retrouve dans une grande salle commune dénommée « tinel ».

Finalement, en fonction de la qualité de l’hôte et de l’endroit où l’on reçoit (à l’époque les nobles voyagent beaucoup), on s’adapte facilement, surtout que la main d’œuvre ne manque pas.

Que mangent-ils ?

Les céréales : Le pain reste l’élément principal puisqu’il sert « d’assiette ». Cependant, la céréale réservée à cette catégorie est de préférence le froment.

La viande et les volatiles :  Cette catégorie est importante car la chair (nom employé pour désigner tout particulièrement la viande) est associée à la force physique, à la puissance sexuelle et au pouvoir. On retrouve sur les tables du gibier, des volailles, de l’agneau, du veau et certaine partie du porc. Cette viande est principalement grillée puisque la cuisson la rapproche du feu, on retrouve les valeurs symboliques de cette époque. Un détail plus terre à terre, l’investissement dans les broches et grills étant coûteux, seules des bourses bien remplies peuvent s’en procurer….

Les légumes : Ils disparaîtront petit à petit de la table. S’est ajouté aux nobles, le monde bourgeois et marchand. Ils se sont urbanisés et ont abandonnés petit à petit leurs terres rurales.  Cette catégorie sociale a pris une importance financière mais reste cependant non noble.  On a déjà vu que les légumes sont associés à la pauvreté donc pour se différencier de ceux qui vivent dans les campagnes, ils copient l’alimentation des Grands. Les légumes commencent à réapparaître sur leur table vers le XVIe siècle puis de manière plus abondante sous Louis XIV (né le 5 septembre 1638, mort le 1er septembre 1715, roi de France).

Les douceurs : Ce sont souvent des confiseries (dragées, pâtes de fruits…), mais on trouve également des gaufres (cuites entre deux fers), les oubliés, mestiers, supplications (gaufres alvéolées frites dans le saindoux), gros bâtons (gaufrettes sucrées enroulées en cornet autour d’un bâton).

Les nobles dont le statut social est au sommet par la naissance se doivent d’affirmer cette supériorité par leur alimentation, c’est un marqueur social. Les banquets sont souvent l’occasion non seulement de contracter des alliances, de fêter des évènements mais également de montrer sa richesse. Mais au fil du temps et à partir de la Renaissance, une nouvelle catégorie de « parvenus » s’affichent, les bourgeois. Ces derniers ne tiennent pas leur richesse du fait de leur naissance mais par leur travail, et ça les nobles ne peuvent le supporter. Alors pour éviter toute confusion et pour garder leur statut, des lois somptuaires sont promulguées interdisant à cette catégorie sociale le luxe en tant que gaspillage économique… Comment le définir, je ne saurai le dire. Ce qui est sûr c’est que l’accroissement social de la bourgeoisie n’a plus jamais cessé !

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